Poèmes du mois de février 2021
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Jean ESPARBIE
Communications
Dans le fier Lauragais, baigné par la lumière
D’un passé glorieux, au rythme des saisons
Mon grand-père quittait le matin la chaumière
Tandis que l’on soufflait les bougies des maisons.
Peu importait le temps, il devait faire route
Vers le lieu indiqué par le cultivateur
Pour livrer ou chercher des cargaisons – sans doute
Véritables trésors tels ceux d’un colporteur.
Il flattait le cheval qui tirait la charrette,
Caressait son chanfrein, lui tapotait le flanc,
L’encourageait toujours afin qu’il ne s’arrête
Pégase admirait-il le beau panache blanc ?
À la pause il mangeait une omelette aux herbes
Et buvait du clairet alors que l’animal
Broutait le long d’un champ, bien loin du foin en gerbes
Dans le box si étroit où il se mouvait mal.
Il arrivait parfois au couple misérable
D’accepter une nuit dans la paille du blé
À l’abri d’un hangar ou celui d’une étable,
Pour dès le jour naissant partir moins accablé.
Partout l’homme apprenait différentes nouvelles :
Un salarié blessé, un se louant ailleurs,
Un troisième trompé ou diverses querelles,
Des angoisses d’argent, des jugements meilleurs…
Avec sincérité, autant que des gazettes,
Le charretier disait alentour son savoir ;
Ainsi se connaissaient mille choses doucettes,
Les tracas du moment, les récoltes à voir.
Désormais le progrès suffit à la seconde
Pour répandre en tous sens le moindre événement
Survenu à l’instant dans un endroit du monde
Ce qui au demeurant séduit apparemment.
Chacun peut à loisir louer la diligence
D’une information transmise à l’infini
Par quelque individu, la plus puissante agence,
Ou des autorités, voir un coquin fini.
Réjouissons-nous donc, mais que cette science –
Je pense à Rabelais – s’utilise surtout
Sans cesse ici, là-bas, en pleine conscience
Pour l’âme se sauver des flammes malgré tout.
J’éprouve du respect devant la compétence
Des manipulateurs des récents instruments
Dont je ne sentirai pas grandir l’appétence
En dépit du besoin et des entraînements.
Je reste maladroit quand les doigts sur les touches
Massacrent trop l’emploi qui pourtant permettrait
D’apprécier enfin l’or caché dans les couches
Du fumier inhumain perfide par l’attrait.
Renseigné autrement, je choisis dans l’ensemble
Hors les faits nébuleux, les tortuosités,
Des sujets d’intérêt qu’au fond du cœur j’assemble
Dans le jardin secret des curiosités.
Je rapporte certains, selon le choix en prose
Ou quelquefois en vers, d’après les sentiments
Du modeste passeur qui comme Pépé ose
Surtout communiquer bonheurs et tremblements.
Mario FERRISI
Ainsi soit-il
Un air d’harmonica qui diffuse sa plainte
Qui sur fond de banjo offre un bout de son cœur
Le jazz de Galliano qui pousse sa complainte
La guitare érigée qui me crie sa fureur
Ce plaisir sous mes yeux lorsque ma main chamboule
Les formes que je trace, des tortures, un émoi
Les couleurs d’un tableau d’un monde qui s’écroule
A quoi bon le nier ? tout ceci, c’est bien moi !
Ces fables que j’écris comme on fait une esclandre
Ces idées farfelues, ces délires enchantés
Ces livres interdits que je n’ose pas vendre
Ces révoltes exquises et ces demeures hantées
Ces hommes qui cheminent et qui tuent mes romans
Ces armes qui s’affûtent au fond de mon jardin
Ces femmes qui dominent et qui tuent mes écrans
Ces larmes qui chahutent et brouillent mon destin
Et toujours la musique qui sacre ma journée
Et toujours la nature éphémère, éternelle
Et toujours le soupir d’un pinceau carminé
Dont le charme invincible m’emporte et m’interpelle
Ce sont là mes frissons étranges et infinis
Ces gros maux incurables, dis en catimini
Des mots que je transcende en sublimant l’orage
Des flots de poésie qui submergent ma rage
***
Chemins buissonniers
J’ai mes chemins au bord des routes
Qui partent en vrille vers l’horizon
J’ai mes voyages sans autoroutes
A contre vents, hors des saisons
Je n’ai pas les mêmes couloirs
La même fréquence, les mêmes médias
Je vais à d’autres abreuvoirs
Et abhorre l’intelligentsia
J’aime le hasard, les courants d’air
Les bas-côtés, les nombres impairs
J’aime les idées qui font du bruit
Et le silence qui me construit
J’ai mes croisières sans grands bateaux
Et mes chimères qui flottent sur l’eau,
Aux vents contraires, au foc, au spi
Je vogue avec mes utopies
Pendant que d’autres se démènent
A planifier vos existences
Je vis comme un aborigène
Éloigné de leur influence
Mes verres sont emplis de vieux rouge
Celui qui fouette mon sang
Qui me transporte ou qui me bouge
Et m’attribue l’air d’un ruffian
Au son de mes soupirs d’aise
Que votre écho, jaloux, répète
Vous allez, filer à l’anglaise
Discrets, sans tambour ni trompette...
Guy PUJOL
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Evelyne GENIQUE
Douce pluie
Tombe la pluie
De plus en plus fort
Le vent souffle
Et fait danser les nuages
J'aime la pluie
Ses odeurs variées d'humus, de terre,
De mousse, de feuilles séchées
Gouttes de pluie
Inondent mes yeux
Descendent sur ma joue
Ses gouttes semées, des perles soyeuses
Forment un rideau vaporeux
Toilettant les fleurs pudibondes
Tout en nuances d'aquarelles
Les escargots sont de sortie
Les canards s'ébrouent, trempés,
Sous la petite brise du matin frais
Un rouge-gorge à s'abriter de l'eau
Les limaces traversent très lentement
Petite pluie douce
Arrose mes pensées
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